La pandémie a entrainé des défis sans précédent pour l’industrie mondiale du transport maritime. La congestion des ports a créé un déséquilibre entre l’offre et la demande provoquant une augmentation spectaculaire du taux de fret. Explications de Pierre Lejeune, analyste crédit chez Aviva Investors France.
La logistique est un processus complexe qui repose sur le bon fonctionnement de chacun des maillons de la chaîne du transport. En effet, derrière un simple clic de validation d’une commande d’un chargeur USB se cachent d’innombrables étapes : de la fabrication du produit au Vietnam à la livraison à domicile, des milliers de kilomètres sont parcourus nécessitant l’intervention de barges, porte-conteneurs, camions et véhicules de livraison.
La pandémie a entrainé des défis sans précédent pour l’industrie mondiale du transport. Ces défis se sont étendus et aggravés sur l’année 2021. Les capacités de transport insuffisantes du fait de la congestion des ports maritimes ont contraint des conteneurs à être immobilisés plus longtemps que la normale. La demande, quant à elle, n’a pas faibli ce qui a créé un déséquilibre entre l’offre et la demande provoquant une augmentation spectaculaire du taux de fret.
De vrais goulots d’étranglement se sont formés liés à la forte demande ainsi qu’aux problèmes de logistique terrestre causés par des pénuries, notamment de personnels au niveau des entrepôts et de l’acheminement par camions, ce qui a perturbé la réception et la gestion des marchandises arrivées à bon port. Ainsi, la combinaison de ces différents facteurs a entrainé des difficultés logistiques sans précédent pour les sociétés industrielles.
Des taux de fret à la baisse depuis févrierCependant, depuis début février le taux de fret a baissé. Cela suscite des questions : Quelles sont les causes de cette baisse ? Quand interviendra la normalisation du taux de fret alors que les effets de la pandémie semblent s’amoindrir avec le temps ? Et enfin, quel sera le niveau de prix auquel cette normalisation se situera ?
Les principales raisons de cette tendance baissière sont en grande partie expliquées par deux facteurs. D’une part, l’effet de saisonnalité puisque la période de vacances suivant le nouvel an chinois a entrainé la fermeture d’usines ainsi que la baisse des activités portuaires venant ainsi affecter les volumes de marchandises à transporter. D’autre part, ces dernières semaines ont été marquées par les mesures de restrictions qui ont touché plusieurs ports chinois sous l’application stricte de la politique gouvernementale zéro-covid. Les ports de Shanghai, Ningbo, Qingdao, Shenzhen ou Yangshan ont été impactés. Cet impact a contraint certains d’entre eux à opérer à un tiers de leur capacité entrainant de ce fait une baisse du volume mondial d’environ 10 à 15% et par conséquent une baisse du taux de fret. A titre de rappel la Chine représente à elle seule 40% des échanges maritimes mondiaux et parmi les sept premiers ports du monde pour le transport de marchandises, six sont situés en Chine. Cependant, nous nous attendons à ce que le taux de fret reparte aussitôt à la hausse lorsque les restrictions seront levées.
Des signes encourageants de décongestion ont été perçus sur la côte ouest des Etats-Unis. Néanmoins, la situation peut être trompeuse car le nombre de navires bloqués a diminué principalement en raison d’une activité qui s’est déportée sur la côte est. Certains experts, dont Gene Seroka, Directeur exécutif du Port de Los Angeles, voient même des congestions durer jusqu’en 2023…
Les congestions dans le port de Los Angeles ont été très pénalisantes puisque les marchandises qui y sont acheminées représentent 40% des importations américaines et presque 30% des exportations. Le temps moyen pour déstocker un container oscillant entre trois et quatre jours en période normale est passé à deux semaines contraignant le port à être en activité sept jours sur sept. A ceci vient s’ajouter la complexité de s’adapter rapidement à une situation inédite créée par la pandémie lorsque plusieurs acteurs, tels que les opérateurs de terminal, les navires et les camions, sont dépendants les uns des autres.
La pénurie de main d’œuvre est un des phénomènes au centre du nœud logistique. Elle touche durement les industries qui offrent des conditions de travail difficiles notamment pour les employés d’entrepôts qui réceptionnent et traitent les marchandises et, plus particulièrement, les chauffeurs de poids lourds. Cela constitue un problème de longue date puisque l’industrie des poids lourds a commencé à être touchée depuis 2005 puis s’est fortement accentuée avec la pandémie.
La hausse du coût du transport des marchandises contribue ainsi largement au niveau d’inflation que nous connaissons actuellement avec une difficulté à la contenir malgré la hausse des taux d’intérêts appliquée par certaines banques centrales. Au regard des problématiques de pénuries et d’acheminement des marchandises, certaines entreprises sont en train de repenser leur système de production centré autour de la délocalisation de la production alors qu’elle a été un facteur indéniable de production à bas coût pendant des décennies. A titre d’exemple, Samsung et Intel envisagent désormais de réaliser des investissements de grande ampleur pour construire des usines de puces aux Etats-Unis et en Europe pour avoir une plus grande proximité avec leurs marchés respectifs.
Les conséquences de cet environnement sur l’analyse créditLes entreprises de transport de marchandises maritimes et de logistique ont réalisé des performances record en 2021 leur donnant les moyens d’améliorer leur bilan et de réaliser des opérations de croissance externe pour notamment essayer de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur. Cet environnement a également profité aux acteurs du fret aérien puisque les congestions ont provoqué un transfert de la demande vers le transport par les airs entraînant ainsi également une hausse du fret aérien. Malgré certaines révisions à la hausse des notes de crédit par les agences de notations, les acteurs de la logistique maritime présentent, de façon globale, des notations qui ne reflètent pas la qualité de leur profil de crédit. En effet, nous observons une certaine réticence à d’avantage d’actions positives tant qu’une normalisation n’aura pas lieu. Après avoir subi de multiples bas de cycles économiques dans le passé, cet environnement offre peut-être un nouveau départ à ces entreprises pour une meilleure résilience aux fluctuations inhérentes au secteur.
Alors que cet environnement de marché profite à une poignée d’acteurs, les sociétés industrielles sont directement touchées par les hausses de frais de transports, qui combinées à une inflation globale, gonflent les charges. Certains acteurs réussissent à passer ces hausses de coûts à leurs clients, mais cela dépend de nombreux facteurs tels que leur positionnement dans la chaîne de valeur, du degré de concentration de leur marché, d’éventuelles clauses d’indexation prévues dans les contrats etc. A contrario, d’autres acteurs voient déjà leurs marges fondre petit à petit…Pour les entreprises les plus fragiles, cet obstacle de taille sera-t-il de trop en cette sortie récente de pandémie ?
Achevé de rédiger le 10 mai 2022
Par Pierre Lejeune, analyste crédit chez Aviva Investors France
Sources
• BNPP Exane CUBE
• Port Congestion Index Shows U.S. Import Rush Clogging Trade Hubs - Bloomberg
• Why Global Supply Chains May Never Be the Same - A WSJ Documentary
• Freight & Shipping: Preview: A strong 1Q'22 may not matter in the short term
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