La Financière de l'Echiquier - MACROSCOPE - Récession en vue ?

04/04/2022 - source : Patrimoine 24

Les interrogations sur une récession prochaine montent chez les investisseurs, de façon encore feutrée certes, mais indubitable, comme en témoignent par exemple les tendances sur le moteur de recherche Google. Faut-il sérieusement s’en préoccuper, alors même que les projections de croissance économique restent très élevées pour 2022 –​​​​​ plus de 3% en Europe et aux Etats-Unis, d’après le consensus Bloomberg – et même encore très confortables pour 2023 ?

alexis bienvenuDeux raisons, en partie liées entre elles, justifient de s’interroger.

La première est l’envolée du prix des matières premières, notamment énergétiques. Le souvenir est encore cuisant de l’impact récessif d’une augmentation violente du prix du brut dans les années 1970 ou même en 2008. Le sujet est essentiel, d’autant que le conflit russo-ukrainien n’explique pas, hélas, toute l’envolée récente. Si le conflit était le seul en cause, l’inflation énergétique actuelle pourrait être considérée comme exogène et transitoire, donc relativement surmontable. Mais le brut avait déjà atteint des niveaux élevés en début d’année, avant même le déclenchement de « l’opération militaire spéciale ». La force de la reprise économique post-covid, notamment américaine, explique en grande partie le prix actuel, ce qui laisse peu augurer d’une nette décrue même si le conflit ukrainien baissait en intensité.

Mais s’il est vrai que le conflit en Ukraine ne fait qu’influer marginalement cette situation déjà tendue sur le pétrole, il change en revanche franchement la donne sur d’autres matières premières, tout aussi vitales. Car il fait flamber en outre non seulement le gaz naturel, mais aussi les denrées agricoles vitales comme le blé ou le maïs pour animaux, et nombre de métaux industriels, dont ceux justement qui sont essentiels pour sortir de la dépendance au pétrole grâce aux énergies renouvelables, comme le nickel et le cuivre. La crise des matières premières est donc généralisée. Plus difficile à surmonter qu’un simple choc pétrolier. D’autant que le conflit ne paraît pas en voie de résolution rapide, ni a fortiori les sanctions à l’égard de la Russie.

La deuxième raison tient aux taux d’intérêt. La différence entre les taux d’intérêt à 10 ans et à 2 ans est souvent regardée comme pouvant annoncer une récession. Cette différence est généralement positive : même en l’absence de risque de défaut, comme sur la dette américaine, les taux sont en moyenne plus élevés à long terme qu’à court terme car il existe toujours un risque d’inflation à long terme. Mais les banques centrales resserrent les conditions monétaires, les taux peuvent devenir plus élevés à court terme qu’à long terme. Cela présage un ralentissement économique, qui se traduit souvent par une récession.

Cette inversion s’est justement produite la semaine dernière sur la courbe de taux américaine, d’où l’émoi des investisseurs. Le marché des taux anticiperait-il une récession que les marchés actions et les prévisionnistes ne verraient pas ?

Pas forcément. La Fed elle-même a indiqué à plusieurs reprises, et encore très récemment [1], qu’un autre indicateur basé sur les taux était plus pertinent : la différence entre les anticipations de taux courts dans 18 mois et les taux courts actuels. Or ce dernier indicateur est tout à fait placide pour le moment. De même qu’une pléthore d’autres méthodologies employées par les banques centrales régionales aux Etats-Unis, toutes sereines.

Il se pourrait naturellement que tous les indicateurs et prévisionnistes se trompent. Les récessions ont souvent l’allure d’une surprise. Les tensions liées aux matières premières, après tout, sont bien réelles, et devraient durer. En outre, une partie de la réponse dépend de l’imprévisible conflit ukrainien. Mais en ce qui concerne 2022, étant donné l’acquis de croissance actuel, une franche récession paraît hautement improbable. 2023 est moins assuré certes, une fois les conditions monétaires drastiquement resserrées. Mais d’ici-là, mille nouveaux risques seront apparus, et mille risques surmontés par le marché.

De sorte que s’il peut paraître sage d’essayer d’anticiper les récessions, c’est peut-être en réalité une tentative follement ambitieuse. Alors qu’à l’inverse, il existe une sagesse boursière à portée de main qui assure que, statistiquement parlant, s’il coûte certes d’être investi pendant les récessions, il coûte encore plus de ne pas participer aux rebonds qui naissent au cœur des crises. Il y a fort à parier que le marché donnera raison, dans les prochaines années, aux sages investisseurs qui n’auront pas péché par excès de sagesse.

Rédaction achevée le 01.04.2022 Alexis Bienvenu, Fund Manager

[1] (Don't Fear) The Yield Curve, Reprise

 

Telex:

Bientôt 1969 ? L’emploi américain se porte au mieux. Le rapport sur l’emploi du mois de mars affiche un taux de chômage qui baisse davantage que prévu, passant de 3,8% à 3,6%. Il revient au niveau de décembre 2019, très proche des points bas de janvier et février 2020 (3,5%), qui constituaient eux-mêmes des points bas depuis… décembre 1969, à l’apogée des Trente Glorieuses !

Le taux de participation, à 62,4% (en hausse de 0,1% sur le mois), est encore loin de son niveau d’avant crise du Covid (63,4%). Néanmoins, la mesure la plus pertinente, à savoir le taux de participation des 25-54 ans, augmente encore plus fortement (+0,3% sur le mois) et s’établit à 82,5%, très proche des niveaux pré-Covid (83,1% au plus haut en janvier 2020). Avec cette nouvelle hausse du taux de participation, le taux de chômage officiel et celui ajusté de la baisse de la population active lors de la crise Covid sont maintenant identiques. L’économie américaine a donc complètement effacé l’impact du Covid sur la population active !

Et les salaires suivent ! Ils affichent une hausse annuelle de 5,6%, progression notable, mais qui parvient tout juste à couvrir l’inflation des dépenses de consommation personnelle (PCE). Cette dernière monte en effet à 6,4% sur un an au mois de mars, au plus haut depuis janvier 1982, tandis que l’indice « cœur », hors éléments volatils, s’établit à 5,4%, au plus haut depuis 1983.

Inflation française : des excès modérés. L’inflation française surprend à la hausse en mars, mais de manière nettement moins marquée qu’en Espagne ou en Allemagne. L’indice des prix ressort en progression annuelle à 4,5% (5,1% pour l’indice harmonisé). Des niveaux bien inférieurs à ceux d’autres pays européens, mais il s’agit tout de même d’un plus haut depuis décembre 1985. Sans surprise, ce sont les prix de l’énergie, en progression de 8,8%, qui tirent le plus l’inflation, mais ceux des biens manufacturés hors énergie sont également en nette hausse, à 1,5% sur le mois. L’inflation reste en revanche modeste dans les services (+0,2%).

La Chine peine. Les PMI officiels chinois ressortent en baisse et inférieures aux attentes en mars. L’indice manufacturier s’établit à 49,5 contre 50,2 en février, et celui des services à 48,4 contre 51,6 en février. C’est sur les services que les variations sont les plus marquantes, conséquence des confinements partiels liés à la résurgence du Covid, qui ne manqueront pas de perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Picking de la semaine3D systems

3D SYSTEMS, les limites de la fabrication additive repoussées

L’actu. 

La société américaine 3D SYSTEMS repousse les limites de l’innovation pour les secteurs de l’industrie et de la santé grâce à l’impression 3D. Elle vient de publier ses résultats trimestriels. 

Notre analyse. 

La société de Rock Hill a publié un chiffre d’affaires trimestriel de 151 millions de dollars, 5 millions au-delà des attentes et en hausse de +13% par rapport au 4e trimestre 2020 et de +10% en séquentiel. Cette comparaison exclut les segments d’activité cédés l’an dernier afin de concentrer le cœur de son activité sur deux secteurs : l’industrie et la santé. Pour l’industrie, 3D SYSTEMS vise la fabrication d’objets à très haute valeur ajoutée et faibles volumes, notamment pour les avions, fusées et satellites, mais aussi pour les véhicules électriques qui adoptent les techniques de l’aérospatial. Pour la santé, l’entreprise se concentre sur le dentaire et l’orthopédie et s’oriente vers le bioprinting en partenariat avec UNITED THERAPEUTICS pour la médecine régénérative afin de pallier l’insuffisance du don d’organes. La marge brute du groupe américain s’est améliorée à 44,1% en raison d’une meilleure absorption des coûts liés aux contraintes de supply chain, grâce à un plus grand volume et à une meilleure gestion des inventaires. Les dirigeants affichent un objectif de marge brute à 50%, grâce à l’augmentation des revenus récurrents dans le mix qui présente de meilleures marges et au rafraîchissement de leur portefeuille d’imprimantes. Les bénéfices par action se sont révélés plus importants qu’anticipé par le marché. Pour 2022, le management prévoit un chiffre d’affaires compris entre 570 et 630 millions de dollars. Celui-ci sera très majoritairement organique, en raison de la plus grande contribution au chiffre d’affaires des récentes acquisitions à partir de 2023. La marge brute 2022 est prévue entre 40 et 44% par l’entreprise, une fourchette généreuse compte tenu des tensions sur la chaîne d’approvisionnement, exacerbées par le conflit en Ukraine. 

En conclusion. 

L’adoption de la fabrication additive croît de manière fulgurante. L’impression 3D permet de créer des pièces sur-mesure, simplifiées, bien plus légères, plus résistantes et pour un coût bien moindre qu’une fabrication classique en rapport avec les  faibles volumes. Grâce à son focus sur les imprimantes, matériaux et logiciels pour l’industrie et la santé, 3D SYSTEMS nous paraît très bien positionnée pour continuer à capter de nouvelles parts de marché. Et pour que son cours de Bourse reflète cette création de valeur.

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