Vontobel AM - Changement de vitesse : les marchés émergents ont le vent en poupe

15/10/2021 - source : Patrimoine 24

En 2021, si les investisseurs se sont, sur l’ensemble des marchés et dans toutes les classes d’actifs, trouvés confrontés à un certain nombre de défis, ils ont également pu tirer parti de certains effets bénéfiques. Le maintien des mesures de relance a permis aux actions des marchés développés de résister aux perturbations auxquelles la COVID-19 a donné lieu, et de rester de marbre face à la menace de l’inflation. Les marchés émergents, en revanche, sont à la peine, d’autant que le tour de vis réglementaire imposé par Pékin a ébranlé la confiance en Chine. La situation peut toutefois évoluer rapidement, et les investisseurs doivent se tenir prêts à faire face à tout revirement.

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Quatre experts en investissement de Vontobel opérant dans le domaine des actions et des titres obligataires passent en revue les opportunités susceptibles de se présenter à un moment où la qualité des perspectives des marchés émergents s’améliore par rapport à celle des marchés développés.

Simon Lue-Fong, Head of Fixed Income : Commençons par nous inscrire dans une perspective descendante, telle que celle dont le Big Data nous permet de dessiner les contours. Sven, que te disent vos modèles au sujet de l’endroit où se trouveront les gagnants à l’avenir ?

Sven Schubert, Senior Investment Strategist, Multi Asset Class Boutique : Ce que l’on peut constater, c’est que, après une reprise économique impressionnante, et qui est peut-être la plus forte et la plus rapide qu’il nous ait jamais été donné d’observer au cours de l’histoire, nos modèles nous indiquent que la croissance mondiale a atteint un pic et que le rythme ralentit désormais. On observe ainsi que, même si l’environnement reste, d’une manière générale, favorable aux investisseurs en actions et aux actifs cycliques, les indicateurs de nos modèles pointent de plus en plus vers des actifs défensifs. Notre hypothèse de travail table sur un pic d’inflation qui devrait donner lieu à une lente atténuation du cycle de durcissement dans des régions de marchés émergents telles que l’Amérique latine et l’Europe de l’Est, ce qui plaide en faveur de la dette en devises fortes, car les caractéristiques risque/rendement que celle-ci présente sont convaincantes.

Simon Lue-Fong : Les actions des marchés émergents ont suscité la déception cette année par rapport aux actions des marchés développés. Matt, comment se fait-il qu’elles aient sous-performé ?

Matthew Benkendorf, CIO Quality Growth Boutique : Je ne pense pas que les actions des marchés émergents puissent être considérées isolément des autres marchés. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, les actions des marchés développés ont enregistré des performances de qualité. Or, au vu de cette activité de fin de cycle intense observée sur des marchés développés qui continuent de captiver l’attention des investisseurs, notamment de ceux qui se concentrent sur les rendements à court terme, il n’est pas choquant que les rendements des marchés émergents aient été à la traîne cette année. Il semble toutefois que les marchés émergents soient désormais bien placés pour offrir aux investisseurs un point d’entrée de qualité pour des trajectoires de croissance à moyen et long terme. De fait, le décor est aujourd’hui planté pour assister à un rebondissement des marchés émergents à l’aube de l’année 2022 et à une augmentation des défis auxquels les marchés développés devraient commencer à être confrontés.

Simon Lue-Fong : La Chine a récemment fait la une des médias et les investisseurs sont très attentifs aux réformes qui y sont engagées. Ces réformes touchent notamment des sociétés opérant dans des domaines tels que le logement, l’éducation et la technologie. Thomas, quelle interprétation les investisseurs peuvent-ils avoir du paysage que présente actuellement la Chine ?

Thomas Schaffner, Senior Portfolio Manager, mtx : Je dois dire que nous avons été surpris par la réaction du marché, car cela fait déjà un certain temps qu’une grande partie de la réforme de la réglementation est en cours. Nous avons également été surpris par l’approche mise en œuvre par le gouvernement dans le secteur de l’éducation, notamment dans le domaine du soutien scolaire, où il a obligé des entreprises privées à quitter le marché. Il en résulte, à chaque nouvelle réglementation, que les investisseurs intègrent le scénario le plus pessimiste et que les actions sont nombreuses à être fortement bradées. La situation s’est trouvée aggravée par les répercussions des difficultés auxquelles est actuellement confrontée la société immobilière chinoise Evergrande.

La banque centrale chinoise a commencé à durcir sa politique au début de l’année, ce qui a donné lieu à un ralentissement conjoncturel au cours des deuxième et troisième trimestres. Le marché intègre déjà un scénario négatif et il se pourrait que nous soyons proches d’un tournant où les politiques pourraient se faire plus accommodantes. Cela étant, nous pensons que l’objectif poursuivi par le gouvernement est de renforcer la classe moyenne et de donner davantage d’ampleur aux bénéfices de la croissance économique, et que les réformes qu’il a engagées visent à doter le pays d’un meilleur cadre réglementaire ; le but des autorités chinoises n’est pas d’affaiblir les entreprises privées.

Simon Lue-Fong : Penses-tu toujours que des opportunités existent pour les investisseurs en Chine ?

Thomas Schaffner : Oui, bien sûr. On constate en effet que, malgré le durcissement réglementaire, le gouvernement continue d’œuvrer à la libéralisation et à l’ouverture des marchés. Il continue ainsi, à titre d’exemple, à promouvoir des programmes tels que Stock Connect afin de proposer aux investisseurs étrangers un meilleur accès aux entreprises chinoises et d’offrir aux investisseurs chinois un meilleur accès aux opportunités se présentant à l’étranger. Il est également en train de procéder au lancement, à Pékin, d’une nouvelle Bourse destinée à répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises, ce qui constitue clairement un signe de l’importance qu’il continue d’accorder aux entreprises privées.

Matthew Benkendorf : On le voit, la Chine traverse manifestement une mauvaise passe et il y a peut-être davantage de défis à éviter. Mais il est important que les investisseurs replacent les défis dans le contexte de la taille que présente l’opportunité. L’univers des sociétés du pays s’est considérablement développé, et ce sont aujourd’hui plus de 4 000 entreprises qui sont cotées en Bourse. À cela s’ajoute également le fait qu’il existe des entreprises du secteur privé qui sont de qualité : elles sont dotées de structures financières solides, reposent sur de robustes modèles d’activité et affichent de fortes perspectives de croissance. Lorsqu’ils abordent la Chine, les investisseurs doivent veiller à ne pas se présenter avec une mentalité d’« interrupteur marche/arrêt », car le fait d’actionner l’interrupteur arrêt équivaudrait à passer à côté d’un certain nombre d’opportunités potentielles. S’il est certain que la réalisation d’investissements en Chine exige désormais de faire preuve de plus de discernement et de s’engager dans des recherches plus approfondies, le niveau d’opportunités que présente le pays demeure toutefois élevé.

Simon Lue-Fong : Intéressons-nous maintenant aux obligations. Wouter, eu égard à la faiblesse des rendements, aux faibles niveaux de revenus et à l’éventualité d’une hausse des taux, quel regard portes-tu aujourd’hui sur les titres obligataires ?

Wouter Van Overfelt, Head of Emerging Market Corporates, Senior Portfolio Manager : Il est vrai que les titres obligataires et la hausse des taux d’intérêt sont un sujet de préoccupation pour les investisseurs cette année. Mais, de la même manière que Matt l’a indiqué pour la Chine, je pense que le marché obligataire présente un niveau d’opportunité plus que satisfaisant. La diversification de votre portefeuille se trouve renforcée lorsqu’il comporte tout à la fois des obligations et des actions, et bien qu’une hausse des taux aurait bien entendu des effets néfastes sur les titres obligataires, ces effets ne seraient pas nécessairement plus importants que sur les actions. Mais les investisseurs peuvent encore sélectionner des sociétés dont les fondamentaux s’améliorent en termes de crédit. Et même dans un environnement de hausse des taux d’intérêt, les rendements peuvent baisser sur une garantie de crédit. Dans un scénario de hausse des taux, on s’aperçoit qu’il est donc encore possible de gagner de l’argent en misant sur des obligations.

Simon Lue-Fong : Je t’ai entendu dire que les obligations d’entreprises des marchés émergents constituaient un paradis pour les investisseurs, est-ce vrai ?

Wouter Van Overfelt : Oui, c’est tout à fait vrai. Le marché n’est pas très efficace, et il arrive parfois que les cours s’écartent de ce qui peut raisonnablement être expliqué par les données fondamentales sous-jacentes. Par exemple, le marché ne sait pas toujours comment valoriser les nouvelles émissions sur les marchés émergents. Cela signifie que les investisseurs qui font leurs devoirs se trouvent parfaitement en mesure de distinguer les gagnants des perdants. Et lorsqu’ils s’y prennent correctement, il leur est alors tout à fait possible de capter une prime de nouvelle émission. Dans les titres obligataires, il arrive aussi parfois que plusieurs obligations soient émises par le même émetteur. Or, comme le marché a tendance à être segmenté, il est possible d’y identifier des obligations présentant un risque de crédit similaire, mais avec des écarts différents.

Simon Lue-Fong : Portons maintenant notre regard sur les actions. Matt, où vois-tu des opportunités ?

Matthew Benkendorf : Disons que, si la volatilité et l’incertitude à court terme persistent dans certaines régions, les principaux moteurs à long terme des marchés émergents n’ont toutefois pas changé. Les opportunités sont donc toujours liées au consommateur, à la hausse du revenu par habitant et au développement économique. En bref, ce que l’on constate, c’est que les faibles niveaux de pénétration affichés par certains produits et services peuvent augmenter avec le temps. Et les opportunités d’investissement sont considérables autour de ces thèmes sur lesquelles les investisseurs peuvent capitaliser. On observe, en revanche, qu’il est difficile de miser sur les poches de perturbation, car l’évolution des marchés émergents se fait à un rythme plutôt rapide.

Simon Lue-Fong : On constate qu’un thème particulier commence à captiver le marché : c’est celui d’un possible ralentissement de la croissance. Sven, peut-on dire qu’un ralentissement de la croissance est nécessairement synonyme de contraction ? Et qu’est-il possible de faire pour s’en prémunir ?

Sven Schubert : Si les manuels nous disent qu’un ralentissement est toujours suivi d’une contraction, la réalité se présente toutefois souvent sous un jour différent. Ainsi, au lieu de se contracter, il est tout à fait envisageable que les économies des marchés mondiaux et émergents se trouvent finalement stimulées par la réouverture de l’économie et par l’assouplissement des restrictions liées aux confinements. De nombreux signes anecdotiques existent en effet, qui indiquent que l’économie mondiale pourrait retrouver sa dynamique. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables au principe d’un portefeuille équilibré, dans lequel les actions jouent un rôle central. Mais comme je l’ai déjà dit auparavant, dans la mesure où les risques ont augmenté, il paraît judicieux d’augmenter un peu la part des actifs défensifs sur les marchés émergents, comme les devises fortes, par exemple. Cela étant, je pense que l’amélioration de l’économie mondiale ouvre clairement la perspective d’un rebond temporaire dont nous pourrons bénéficier.

Simon Lue-Fong : À en juger par les propos de chacun d’entre vous, il existe donc encore de nombreuses possibilités d’identifier des gagnants, notamment sur les marchés émergents, et ce, tant sur le plan des actions que sur celui des titres obligataires.

Par Simon Lue-Fong, Head of Fixed Income, Sven Schubert, Senior Investment Strategist, Thomas Schaffner, Senior Portfolio Manager, Matthew Benkendorf, Chief Investment Officer Quality Growth Boutique, Portfolio Manager et Wouter Van Overfelt, Head of Emerging Market Corporates, Senior Portfolio Manager

 

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